Les influences cachées derrière le rap US et le rap français
28 mars 2025
Commençons par l’évidence : le rap américain est enraciné profondément dans la culture afro-américaine. Au cœur de cette genèse, des styles comme le funk, la soul et le jazz ont joué des rôles cruciaux.
Le funk des années 70, popularisé par des artistes comme James Brown ou Parliament-Funkadelic, a apporté son groove inimitable. Ces basses puissantes et ce rythme syncopé sont devenus des piliers du rap, particulièrement grâce à l’usage massif du sampling. Des morceaux comme "The Payback" de James Brown ont été triturés, découpés, remixés par des producteurs hip-hop tels que Dr. Dre ou DJ Premier.
Ray Charles, Aretha Franklin, ou encore Stevie Wonder ont fait école dans leur manière de transmettre des émotions brutes. On retrouve cet héritage dans les prods qui intègrent des samples de voix chaudes ou de chœurs gospel, comme les classiques de Kanye West ("Jesus Walks") ou les beats soulful de J Dilla.
La spontanéité du jazz, notamment celle des géants comme Miles Davis ou John Coltrane, a influencé directement des artistes comme A Tribe Called Quest, The Roots ou Kendrick Lamar. Albums comme "To Pimp A Butterfly" (Kendrick Lamar) revisitent clairement cette histoire. Le rappeur ne se contente pas du texte, il le joue comme un instrument au sein d’un ensemble musical, parfois proche d’une jam session pure.
Pour comprendre le son, il faut aussi regarder vers les musiques du continent africain et des Caraïbes.
Le hip-hop partage avec les musiques africaines une obsession pour le rythme. Les percussions de la musique africaine, comme les tambours sabar au Sénégal ou les rythmes Gnawa au Maroc, ont directement influencé les structures rythmiques du rap. Des ponts existent aussi via des artistes diasporiques comme Burna Boy, dont l’afrobeats trouve régulièrement sa place dans les collaborations avec des rappeurs US (Ty Dolla Sign, Nas).
Si on écoute les classiques de Biggie, Nas ou encore Drake, on peut capter les traces du reggae et du dancehall jamaïcain. Notamment dans les flows, où le "toasting" (l'équivalent du rap en Jamaïque) a eu un impact monumental. Des morceaux comme "Welcome to Jamrock" (de Damian Marley) illustrent parfaitement cette intersection entre les deux mondes.
Quand on traverse l’Atlantique pour explorer le rap français, on entre dans un monde avec ses propres inspirations. Si les bases restent le rap US, le brassage culturel européen contribue à une richesse sonore unique.
Impossible de parler de rap français sans mentionner l’apport du raï ou des musiques populaires maghrébines. IAM, par exemple, a souvent utilisé des instruments et des arrangements évoquant l’oud ou la darbouka. Plus récemment, des artistes comme Niska ou Lacrim intègrent ces sonorités pour des morceaux qui résonnent avec les héritages culturels des banlieues.
Les Paroles avec un grand "P", c’est du sérieux en France. Les artistes de rap hexagonal se sont inspirés de l’écriture poétique des chanteurs comme Gainsbourg ou Renaud. Kery James, Oxmo Puccino, ou même Vald dans leurs registres respectifs, montrent comment le storytelling à la française fusionne parfaitement avec le rap.
Le rap français n’a pas peur des expérimentations électroniques. Des figures comme Booba, PNL ou SCH ont emprunté à la techno berlinoise ou à l’électro française pour enrichir leurs productions. Beats minimalistes, nappes synthétiques à la Daft Punk, tout est bon pour moderniser le son.
Rap US comme rap français continuent d’évoluer, absorbant des idées des scènes émergentes.
Née à Chicago avec des artistes comme Chief Keef, la drill a rapidement envahi l’Europe, influençant ainsi le rap français. Gazo, Freeze Corleone ou encore Kaaris ont injecté à leurs flows une énergie sombre, des prods saturées... et une rage reconnaissable entre mille.
MHD a ouvert la porte avec son afro-trap. Mais cette tendance transcende les frontières. La fusion des percussions africaines et des codes du rap reste ultra-populaire, dans des pays comme la France, mais aussi chez des artistes américains qui cherchent à diversifier leurs prods.
Moins attendu, l’impact de la k-pop sur le rap est bien réel. Des groupes comme BTS, mêlant pop, rap et électro inspirent des esthétiques et des flows que l’on retrouve dans des prods de rap contemporain, des deux côtés de l’Atlantique.
Le rap a toujours été une musique en mouvement, tirant ses influences des coins les plus inattendus du globe. Qu’il réinvente le funk, qu’il brasse les basses d’une drill infectieuse ou qu’il expérimente avec des genres venus des quatre coins du monde, le rap, tant en France qu'aux États-Unis, fait honneur à ses racines tout en anticipant le futur. Alors, prêt à voir quels seront les prochains sons à infiltrer cette culture inarrêtable ?