Pour comprendre les débuts du rap US, il faut remonter à l’été 1973 dans un immeuble du Bronx à New York. C’est là, au 1520 Sedgwick Avenue, que DJ Kool Herc organise une fête qui changera le visage de la musique. Avec sa technique de “breakbeat”, il découpe et répète les sections instrumentales des morceaux funk pour faire danser les foules plus intensément. Ce moment est souvent considéré comme la pierre angulaire de la culture hip-hop.
Pendant les années 80, le rap sort lentement des blocs pour entrer dans le mainstream grâce à des groupes comme Run-D.M.C. et leur fusion du hip-hop et du rock avec “Walk This Way”. Ce tournant permet au genre d’accéder à une audience plus large. On peut également mentionner l’apparition des premières battles télévisées et des films comme Wild Style (1983), qui popularisent toute l’esthétique hip-hop (danse, graffiti, rap).
Les années 90 marquent ce que beaucoup considèrent comme l’âge d’or du rap, quand le genre s’est enrichi sur les plans lyrical et musical. Parmi les moments charnières :
Impossible de ne pas mentionner la tragédie qui frappe la communauté hip-hop avec le conflit entre la East Coast et la West Coast, symbolisé par les rivalités entre Tupac Shakur (2Pac) et Biggie Smalls (Notorious B.I.G.). Leurs morts, en 1996 et 1997, marquent un tournant sombre dans l’histoire du rap. Mais cette période signe aussi une explosion de diversité avec des artistes comme Wu-Tang Clan, Nas, Snoop Dogg et OutKast, chacun apportant sa propre vision de cette culture.
Le début des années 2000 voit le rap exploser commercialement avec des artistes comme Eminem, dont l’album The Marshall Mathers LP bat des records de vente en 2000. Le genre continue d’évoluer avec l’apparition de la trap à Atlanta. Des noms comme T.I., Gucci Mane et plus tard Future et Migos redéfinissent les sonorités du rap US grâce aux hi-hats rapides, aux basses lourdes et à l’autotune.
Par ailleurs, les années 2010 sont marquées par un retour au rap engagé grâce à des figures comme Kendrick Lamar. Avec des albums comme To Pimp a Butterfly (2015), il combine profondeur lyrique et expérimentation musicale, et devient une voix majeure face aux tensions raciales contemporaines.
De l’autre côté de l’Atlantique, le rap débarque en France au début des années 80, porté par l’influence des États-Unis. Les premiers rappeurs français adoptent les codes et les techniques US. L’émission H.I.P. H.O.P., animée par Sidney en 1984, est un moment clé. C’est la première émission de télé au monde dédiée à la culture hip-hop.
Des groupes comme IAM et NTM émergent dans les années 90 et marquent une véritable appropriation du genre par les rappeurs français. IAM apporte une dimension philosophique et historique, intégrant des influences de la mythologie égyptienne et des récits autour de l’identité. Tandis que NTM, avec des albums comme Paris sous les bombes (1995), incarne la rage, la contestation et le vécu des quartiers populaires.
Au début des années 2000, le rap français connaît une explosion commerciale, avec des artistes comme Booba, qui impose son style avec Temps mort (2002). Celui-ci ouvre la voie à une nouvelle génération qui mélange punchlines brutes et sonorités américaines. Akhenaton d’IAM qualifiera même cette époque comme celle du “rap d’entertainment”.
Les années 2010 voient l’ascension des artistes “indépendants”, propulsés par YouTube et les plateformes de streaming. PNL arrive en force avec leur première mixtape Que la famille (2015) et bouleverse les codes avec une communication calibrée et un univers introspectif largement inspiré de l’autotune. Des artistes comme Damso, Jul ou Vald réinventent aussi le genre avec des flows uniques et une écriture singulière.
Le rap, qu’il soit américain ou français, n’est plus la musique des marges. Il domine aujourd’hui les classements, conquiert les festivals et dicte les tendances dans la mode, le langage et même la politique. En France, des études récentes montrent que plus de 50 % des titres les plus écoutés en streaming sont des morceaux de rap (chiffres SNEP).
Aux États-Unis, 2023 marque une étape historique lorsque le hip-hop célèbre ses 50 ans, reconnu comme une des musiques les plus influentes au monde. De nombreuses expositions, comme celle du Musée National de l’Histoire Afro-Américaine à Washington, rendent hommage à cette culture qui continue d’évoluer et de repousser les limites.
De ses origines modestes jusqu’à sa place au sommet des charts mondiaux, le rap reste un miroir des sociétés qui le portent, un outil de revendication et d’expression. Alors, quels seront les prochains tournants à surveiller ? Une chose est sûre, la rue continuera d’être le cœur battant de ce mouvement, et elle ne manquera pas de nous rappeler que le vrai hip-hop est une énergie indomptable, toujours prête à réinventer le futur.